Changement perpétuel ou stabilité ? Cette question occupe les pensées des philosophes depuis l’Antiquité. Héraclite et Parménide, deux grands esprits que l’on oppose souvent, évoquaient déjà les notions du changement et d’immobilisme dans leurs travaux aux VII et VI siècles av. J.-C. Héraclite voyait le monde en mouvement perpétuel, tandis que Parménide défendait l’idée d’une harmonie universelle qui procure la stabilité. Or, le sens profond de ces idées fondatrices est bien plus complexe qu’une simple comparaison des notions supposées opposées.

Mouvement perpétuel comme fondement de stabilité

Quelques millénaires plus tard, nous savons que les notions de mouvement permanent et de stabilité n’ont rien de contradictoire. Le mouvement perpétuel peut, dans certains cas, être le fondement même de la stabilité. Tel est le cas de la Terre, qui, en mouvement constant autour d’elle et autour du Soleil (et elle se déplace à la vitesse inimaginable de 107 220 km/h !), procure la stabilité nécessaire pour que la vie puisse émerger et prospérer.

De même, pour que le corps humain puisse fonctionner (et réfléchir à ces questions d’immobilisme et de mouvement), le sang doit parcourir 100 000 km (longueur approximative de tous les vaisseaux sanguins du corps humain placés bout à bout), soit 2,5 fois la circonférence de la Terre, en 1 minute seulement afin d’assurer l’apport d’oxygène stable et régulier à tous les organes !

Aller dans le bon sens

Alors, le mouvement perpétuel est-ce finalement une bonne chose ? Pour répondre à cette question, il est important de prendre en compte le sens, l’orientation de ce même mouvement. Il faut admirer ici la polysémie de ces termes qui reflète leurs significations profondes.

Parfois, le mouvement, bien qu’orienté dans une direction particulière, n’a aucun sens. Le fait de marcher sur l’escalateur dans le sens inverse permet de rester en mouvement perpétuel, mais ne produit aucun résultat utile (sauf si l’objectif même était de faire de la marche).

Le sens du mouvement va donc avoir des conséquences importantes. Par exemple, la manœuvre d’assistance gravitationnelle (slingshot maneuver) est souvent utilisée par des agences spatiales pour changer la vitesse des engins spatiaux grâce à l’attraction gravitationnelle d’un corps céleste (planète, lune). Lorsque la trajectoire de l’engin va dans le même sens que celle de la planète, celui-là va accélérer en passant à côté de celle-ci. Si la trajectoire de l’engin va dans le sens inverse, celui-ci va décélérer.

Donner du sens au changement

Le sens est donc un paramètre crucial pour atteindre la cible. C’est le cas pour le mouvement, comme c’est le cas pour le changement. Choisir un sens ou un autre va dépendre complètement de l’objectif visé.

Lorsque le changement a du sens, il permet d’assurer la stabilité, voire l’invariabilité des certains paramètres du système. Et dans le cadre de la conduite du changement, il est essentiel de trouver des repères stables pour rassurer les collaborateurs. Très souvent l’entreprise entreprend le changement pour garder certains paramètres inchangés : optimiser la production pour garder la même marge et la même masse salariale, adapter les procédures pour proposer la continuité du service malgré les contraintes règlementaires ou encore adopter les nouvelles technologies pour garder sa place du leader dans le monde en constante évolution.

Et comme parfois, en visant l’équilibre, on est obligés de rester en mouvement (le vélo en étant meilleur exemple), en visant la stabilité, on est parfois amenés à continuer le changement.